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Mon dermato

Mis à jour le 18/05/2022 | Publié le 02/11/2017

Affections cutanées, IST, New Fill… Philippe B, dermatologue dans un Centre de santé sexuelle parisien, évoque sa pratique auprès des personnes séropositives.

SIS+ : Quelles sont les affections dermatologiques rencontrées aujourd’hui par une personne séropositive ?

Philippe B. : En reprenant l’histoire du sida, on s’aperçoit que les dermatologues ont été souvent en première ligne dans le diagnostic de cette maladie, car les manifestations cutanées étaient très nombreuses au début de l’épidémie chez les personnes séropositives. La plupart de ces manifestations, liées à un non-contrôle viral, sont aujourd’hui plus rares : dermatoses d’origine infectieuse, comme les herpès extensifs ou les zonas chroniques ; des tumeurs cutanées, comme le sarcome de Kaposi ; des problèmes cutanés plus habituels mais pouvant prendre une intensité particulière (dermite séborrhéique, psoriasis). Trente ans après le début de l’épidémie et le développement des anti-rétroviraux (ARV), une personne séropositive sous traitement aura, à peu de chose près, les mêmes problèmes dermatologiques qu’une personne séronégative.

SIS+ : A quoi sont dus les problèmes dermatologiques actuels ?

Philippe B. : Ils sont essentiellement à relier aux traitements anti-VIH. Certaines réactions comme les exanthèmes, c’est-à-dire des rougeurs diffuses, apparaissent surtout dans les 15 premiers jours, au maximum dans le premier mois suivant l’introduction du traitement. Quelques molécules en particulier sont à l’origine de ces manifestations : l’Efavirenz, la Névirapine mais aussi des inhibiteurs de protéase.

SIS+ : Les risques de problèmes dermatologiques pour une personne traitée depuis des mois ou des années n’existent donc plus ?

Philippe B. : A priori, passé le premier mois, le risque d’effets secondaires cutanés des médicaments s’atténue. Les exanthèmes guérissent en général tout seul. Cependant les patients doivent consulter s’ils constatent ce type de rougeurs car il peut y avoir des formes graves d’exanthème – extrêmement rares – qui s’accompagnent de fièvre, fatigue, bulles sur la peau (« cloques »), qui doivent conduire à l’arrêt du médicament. Dans la plupart des cas heureusement, on n’a pas besoin d’arrêter le traitement et l’éruption disparait spontanément.

SIS+ : Le dermatologue traite aussi les infections sexuellement transmissibles. Chez les séropos, quelles sont les plus répandues ?

Philippe B. : Les IST sont les mêmes que l’on soit séronégatif ou séropositif, et leur traitement aussi. Une recrudescence de la syphilis, d’urétrites (« chaude-pisse »), à gonocoques en particulier, et de lymphogranulomatose (LGV) est constatée dans la population homosexuelle depuis une dizaine d’années. En cas de contamination lors d’un rapport sexuel, la personne peut développer la maladie, mais il y a aussi des porteurs asymptomatiques, c’est-à-dire qu’ils sont porteurs du microbe, mais sans aucune manifestation. Ces personnes sont néanmoins contagieuses parce que ces microbes, surtout les chlamydiae et les gonocoques, sont à leur aise au niveau des muqueuses anale, génitale ou buccale. Au centre de santé sexuelle Le 190, nous essayons de dépister au maximum ces trois sites pour traiter les personnes porteuses de ces microbes et casser la chaîne de contamination.

SIS+ : Vous conseillez aussi, quand c’est possible, de prévenir le ou les partenaire(s) de la découverte d’une IST pour qu’il(s) puisse(nt) aussi se faire traiter…

Philippe B. : Oui car le principe est de tout faire pour rompre cette fameuse chaîne de contamination. Il faut traiter le patient et faire en sorte d’alerter le ou les partenaire(s) récent(s) (= sujets-contact à traiter).

SIS+ : Au 190, vous pratiquez l’implantation de New Fill. De quoi s’agit-il exactement ?

Philippe B. : Le New Fill, c’est de l’acide polylactique. Le produit se présente sous forme de poudre que l’on reconstitue avec de l’eau et qu’on injecte au niveau des joues d’une personne séropositive pour corriger sa lipoatrophie. Celle-ci, que l’on peut voir chez certains séropositifs, correspond à une fonte de la graisse au niveau des joues, avec différents stades plus ou moins marqués. Ce phénomène est lié probablement à certains ARV et peut-être aussi au virus lui-même. Les ARV les plus récents ne semblent plus en cause dans la survenue des lipoatrophies mais il faut rester vigilant.

SIS+ : Quels sont les critères de prise en charge pour le New Fill ?

Philippe B. : Il faut être séropositif traité ou non traité, avoir une fonte des graisses au niveau du visage avec en particulier la disparition des boules de Bichat, ces boules graisseuses situées au milieu des joues qui si elles disparaissent peuvent occasionner un creux assez caractéristique. 5 injections de New Fillpeuvent être effectuées espacées d’un mois chacune. L’acide polylactique est un produit résorbable. Il se résorbe lentement ce qui fait que le produit tient facilement 2 ans. Une seconde cure de 5 injections peut être réalisée au bout d’un an après la dernière injection, mais, comme le produit tient bien, on revoit les patients plutôt à 2 ans voire 3 ans. La prise en charge du produit et de l’injection se fait à 100 % par la Sécurité sociale.

Interview réalisée en mars 2013 par Alain Miguet pour Sida Info Plus

Texte relu et validé par Philippe B.

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