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Les femmes absentes de la recherche sur le VIH

Mis à jour le 08/03/2024 | Publié le 04/04/2023

Moins de femmes cis et trans

Suite au scandale de la thalidomide administrée à des femmes enceintes dans les années 50 aux Etats-Unis, les femmes ont été exclues des essais cliniques précoces, puis progressivement réintégrées des essais. En 2020, le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes indiquait que la participation des femmes est passée de 35% en 1995 à 58% en 2018.

Mais la représentation des publics clés, soit les femmes, les personnes migrantes, ainsi que les hommes et les femmes trans, reste insuffisante. Cette absence lors des phases de recherche a un impact sur l’adaptation des traitements à ces personnes.

Les femmes représentent environ 30% des PVVIH en France et la moitié dans le monde. Elles doivent donc être prises en compte lors des essais qui conduiront à fabriquer des médicaments pleinement adaptés à leurs spécificités.

Pourquoi les femmes sont-elles moins bien représentées ?

Selon les études, les femmes représentent seulement 11% des personnes incluses dans les essais, 19% dans ceux sur les antirétroviraux et 37% dans les essais pour des vaccins. Par contre dans les pays du Sud, les femmes sont davantage représentées que les hommes, notamment parce qu’elles sont plus nombreuses à être touchées par le VIH. En France, la notion de « contraception efficace » constitue un frein pour l’inclusion des femmes en âge de procréer.

Les femmes trans en particulier ne font pas assez l’objet de recherches ciblées alors que le taux de séropositivité peut atteindre 45%. Dans les études, elles sont aussi confondues avec les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) alors que leurs conditions de vie sont souvent très différentes. Facteur aggravant : les liens entre hormonothérapie et traitements contre le VIH ne sont pas suffisamment étudiés.

Quant aux hommes trans, ils ne sont en général pas considérés comme une population exposée au VIH.

Autre population négligée par les études : les femmes séropositives ménopausées. Or, elles sont davantage affectées par des comorbidités que les femmes séronégatives. L’ostéoporose, les risques cardio-vasculaires, le gain de poids sont plus importants chez les femmes séropositives que chez les hommes vivant avec le VIH.

Quels sont les freins à l’inclusion des femmes ?

La communauté scientifique et les médecins qui recrutent pour les essais craignent en particulier la survenue d’une grossesse pendant la recherche. D’où l’obligation d’un double mode de contraception. A cela s’ajoute la présence de cycles hormonaux qui est considéré comme une complication supplémentaire dans l’évaluation du produit de santé.

Une part importante des femmes séropositives est composée de migrantes, de personnes en grande précarité socio-économiques et de publics qui ne maîtrisent pas ou peu le français. Ces femmes sont également peu disponibles car leur fardeau de tâches quotidienne est déjà très lourd, en particulier quand elles sont seules avec des enfants.

Les réticences des professionnels cherchent ainsi à minimiser les risques d’abandon et de perdues de vue pendant l’essai. Ce qui peut conduire à leur abandon par défaut de recrutement.

Dans la budgétisation des études, il faudrait donc prévoir :

  • les frais de traduction, de médiation culturelle et de garde d’enfants ;
  • proposer des lieux et des horaires adaptés ;
  • proposer des formes galéniques (modes d’administration) adaptées ;
  • mettre à disposition une aide matérielle adéquate et concrète pour la contraception ;
  • proposer des prises en charge en cas de grossesse.

Pour pouvoir inclure des femmes, des migrants et des personnes trans, la recherche doit prendre en compte non seulement les dimensions biologiques mais aussi tous les déterminants socio-économiques, culturels et ethniques de la santé.

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